Quand je leur ait annoncé ça l’année dernière, ils n’ont pas compris. Ils m’ont dit :  Papy, c’est pas raisonnable, comment veux-tu qu’on fasse notre deuil dans ces conditions !

C’était pas mon problème. C’était moi qui décidait de ce que je voulais devenir. Ils m’ont fait la gueule pendant des mois. Tous, sauf ma Suzie. Ah, la voilà la petiote.

– Ne pleure pas ma chérie, je vais bien !

Je savais qu’elle viendrait. Pourtant, elle n’habite pas tout près. Elle a tout planté là, son jules, son môme, son boulot… Elle est infirmière, ma luciole. C’est ma lumière. Quand elle est là, y a pas besoin de bougie. On pourrait les éteindre, ce serait déjà ça de gagné. Parce que le pingouin, il va nous les facturer, les chandelles !

Si mon fils m’entendait, il me traiterait encore de radin. Il a pas tout à fait tort. Arpagon qu’il m’appelait quand il était en rogne.

Bon, je vais plus râler pour quelques sous. L’important c’est qu’la p’tite soit là. C’est elle la gardienne de mes volontés.

– Pleure pas mon pigeon.

Oui, je sais, t’aimais pas quand j’appelais comme ça. Mais moi, j’les aimais ces bestioles. De la fenêtre de mon bureau, quand je travaillais encore, je les nourrissais tous les jours. C’était plus distrayant que ce que j’avais à faire. Qu’est-ce que je me suis ennuyé pendant toutes ces années!  Des paperasses à remplir qui ne servaient  qu’à emmerder l’monde.

Quand j’étais gosse, je voulais aller à l’université. Je voulais, devenir chercheur, médecin ou pharmacien. Travailler dans un laboratoire et découvrir des choses qui aideraient les gens à se sentir mieux.

Au lieu de ça, je suis resté confiné dans un bureau poussiéreux qui sentait le tabac froid et le papier jauni. C’est ça qui m’a décidé. Mort, j’ai envie de prendre ma revanche sur la vie. J’ai légué mon corps à la science.

C’est ma luciole qui va signer mon entrée à l’université.

 

Octobre 2012