MES HUMEURS

Portrait d’un lieu

Trésors enfermés.

Secrétaire de bois clair, lisse, laqué, finement ciselé aux hanches fines et arrondies, sensuelles, aux pieds décorés de bronze et aux boutons ensorcelants.

Table de jeux repliée sagement devant la fenêtre pour faire oublier la part de vice qu’elle contient.

Un bijou de Bruxelles remet les pendules à l’heure.

Une table de marbre noir qui ne supporte pas la solitude et dont les nerfs jamais ne s’agacent de cris des enfants, des paroles malheureuses des plus grands et des éclats de rire.

Jouxtant la chaleur de la cheminée, dans une alcôve désormais refermée, un vitrail sur une porte de placard comme une fenêtre sur le passé, pour veiller sur l’enfant endormi.

En été, la maison grise de pierres se repose, laissant s’échapper les enfants dans ce vallon que borde une rivière.

La région est belle et les gens qui y vivent sont fiers de raconter leur ardeur d’avance.

Un pays riche de ses ressources, de son eau, de sa terre, de ses bois. Matériaux nobles qui ornent et font vivre la maison, qui lui confèrent une âme, une chaleur, une vie particulière.

Le vieil escalier grince sa fatigue d’avoir tant porté.

Le plancher de bois fera vivre la maison bien au delà du trépas des vivants.

 Septembre 2011

Portraits de femmes

Elle sculpte de ses longues mains une glaise grise, grasse et luisante. Elle qui petite ne supportait pas la viscosité du savon, la voilà qui poigne à pleines mains dans cette argile douce à l’odeur de terre. De ses doigts graciles naissent des personnages qu’elle aime sans aucun doute et auxquels elle donne vie.  Ses bustes sont fidèles, ses créations imaginaires empreintes d’émotion et de générosité comme un prolongement d’elle-même que sa pudeur et sa retenue lui interdisent de dévoiler.

—————————————————————————————————

Une petite langue pointue qui virevolte au gré des phrases, qui s’alanguit quand l’émotion lui crispe un peu les muscles et tire sa révérence quand sa propriétaire rit d’un bon mot.
Deux lacs gelés que quelques rides sont venues réchauffer et que le fil du temps a rendu malicieux.
Une voix de feux de bois qui réchauffe et réconforte mais qui craque un peu quand les brûlures de la vie viennent lui lécher la gorge.
Une auréole de miel qui donne l’impression que l’enfance ne l’a pas encore quittée.

—————————————————————————————————

Femme rwandaise.
Je suis le génocide des miens, le reflet de l’horreur, la somme des douleurs du monde. Je suis tous les peuples sacrifiés. Je suis la mémoire de l’histoire. Je suis le solde de la cruauté des hommes.

—————————————————————————————————

Je suis vieillesse, tristesse, abandon.  Je suis l’émotion de l’instant, le chagrin de ton absence, le deuil de ton départ. Je suis la gardienne de ton souvenir, les racines de ta vie.  Je suis les fleurs de ta tombe.

—————————————————————————————————

Novembre 2011